Les rouages diplomatiques, cette semaine, ont tourné à plein régime, et le charisme d’Obama semble avoir fait des merveilles : la Syrie renoue avec ses anciens adversaires, l’Iran se montre coopératif sur le dossier nucléaire, Israël et Palestine travaillent à une paix future. Mais les problèmes persistent : Jérusalem reste sous vive tension depuis dimanche dernier, la campagne d’Afghanistan s’embourbe, et les pays arabes s’inquiètent pour la santé de leurs pèlerins. Voici la revue de presse du cercle Samarcande pour la semaine du 30/9 au 7/10.
La Syrie, dans le but de sortir de son isolation, a envoyé la semaine dernière M. Fayssal Mekdad, chargé des Affaires Étrangères du gouvernement syrien. Celui-ci a déclaré que « le président Obama croit au dialogue comme remède aux problèmes internationaux, ce que nous saluons ». Aussi bien disposé à faire des efforts diplomatiques, Khaleej Times, journal émirati, rapporte que le pays reçoit mercredi 7 octobre le roi Abdallah d’Arabie Saoudite. Les tensions entre les deux pays datent de 2003, où chacun avait une position différente quant à l’invasion américaine d’Irak, mais aussi depuis le meurtre de l’ancien premier ministre libanais Rafiq Hariri, qui était proche de la monarchie saoudienne.
Profitant de cette atmosphère de réconciliation, L’Orient le Jour, quotidien libanais, suggère à la classe politique libanaise de se rendre à Damas pour renouer avec le pays voisin. Ceci pourrait permettre aux groupes parlementaires libanais d’accélérer la formation d’un gouvernement, ce que le gouvernement français, en la personne d’Henri Guaino, tâche de hâter. La France mène actuellement une diplomatie active dans la région, puisque Claude Guéant se trouvait au même moment en Syrie. Le gouvernement ne tarit pas d’efforts pour tâcher de faire vivre l’Union pour la Méditerranée.1
En Tunisie, le pays se prépare aux élections présidentielles qui auront lieu le 25 octobre. Le Monde rapporte les propos des commentateurs, pour qui l’événement ressemble à une énorme mise en scène orchestrée par le pouvoir, puisque le soutien des associations et autres membres de la société civile au président Ben Ali est quasi unanime. De plus, une réforme constitutionnelle de 2002 ouvre la voie à la présidence à vie ; sans débat, la population est donc désengagée de cet événement politique.
Concernant la diplomatie franco-marocaine, la France a bloqué la semaine dernière 4 mandats d’arrêt internationaux pour les quatre accusés présumés de l’enlèvement et du meurtre de Mehdi Ben Barka, commis dans les années 1970. Opposant au régime, Ben Barka a été « enlevé et séquestré près de Paris par des truands français travaillant pour le Maroc », rappelle Le Monde. Parmi les accusés compte le commandant de la gendarmerie marocaine. Ces mandats avaient été signés en octobre 2007, ce qui avait provoqué un mini-incident diplomatique, et c’est dans la perspective d’une coopération frontalière renforcée avec le régime de Mohammed VI que la France recule dans ce dossier.
Les mouvements sécessionnistes yéménites gagnent chaque jour en force. A l’occasion de la visite du président de la Ligue Arabe, Amr Moussa, le sud du pays a manifesté mardi 6 octobre pour exprimer son désir d’indépendance. Moussa a quant à lui affirmé son soutien à un « Yémen uni et stable ». Le Yémen compte parmi les pays les plus pauvres du monde, et est un alliés des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme, comme le rappelle Al Jazeera. L’instabilité du pays est chronique depuis la révolution de 1962, qui a mis fin à la dynastie millénaire Hachémite.
L’Egypte – et Ahram weekly – s’interroge toujours sur la non-élection de Farouk Hosni, hésitant entre un complot occidental et l’incompétence de son représentant, qui selon certains commentateurs n’a pas fait grand chose de ses 22 ans de mandat au ministère de la Culture. La grippe H1N1 inquiète également la population, notamment les écoliers et les pèlerins de la Mecque. Des campagnes de vaccination sont en préparation, et les compagnies aériennes sont de plus en plus restrictives concernant les voyages vers la Mecque – les mêmes mesures sont prises aux Emirats Arabes Unis, où la santé des plus âgés suscite l’inquiétude.
Nouvelles d’Isratine – conflit Israëlo-palestinien
L’Egypte, en tant que médiateur régional, a déclaré être parvenue à la signature le 26 octobre d’un accord interpalestinien, ce qui permettrait d’aller plus loin dans le processus de paix israëlo-palestinien.
Il existe d’énormes tensions concernant le rapport Goldstone – qui rapporte les crimes de guerres commis par les deux camps durant l’attaque sur la bande de Gaza de janvier dernier. Benyamin Netanyahu rejette la validité du rapport Goldstone, qui serait motivé selon lui par les ambitions politiques du chef de la Commission d’enquête, selon Al Jazeera et Le Monde. Les Etats-Unis font par ailleurs pression à l’ONU pour le rejet de l’examen de ce rapport, afin de ne pas entraver le processus de paix – les négociations que la superpuissance tâche de mettre en place inclut la constitution d’une « commission d’enquête indépendante pour étudier les crimes de guerre éventuels », rapporte le New York Times. Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité Palestinienne (AP), contrairement à toute attente au sein du monde arabe, a lui-même demandé le report de l’examen du texte en mars 2010 par l’Assemblée Générale.
Les réactions à cette dernière décision ont été diverses : Al Jazeera fait état des larges manifestations qui ont eu lieu en territoire palestinien, démontrant l’incompréhension de la population. Le Hamas demande la démission d’Abbas, et le Fatah ne comprend pas la décision de son représentant. Celui-ci explique cependant aux journalistes du quotidien arabe que la requête a été déposée au UNHRC (Conseil des Nations Unies pour les Droits de l’Homme) par le Pakistan, suivi par un certain nombre de nations arabes, africaines et musulmanes. Une pétition lancée par 14 ONG défendant les droits de l’homme, soutient qu’un « report de justice est un déni de justice ».
Ha’Aretz rapporte que la Libye a déposé une requête, examinée mercredi 7 octobre, auprès de l’Assemblée Générale des Nations Unies pour que le rapport soit tout de même examiné sous peu par le Conseil de Sécurité, puis par l’Assemblée Générale. La Libye est actuellement membre du Conseil de Sécurité et elle préside actuellement l’Assemblée Générale. Cependant elle pourrait ne pas persister dans cette voie si le camp palestinien – Abbas à sa tête – décide d’abandonner les démarches.
La désunion palestinienne demeure donc ; cependant le vendredi 2 octobre dernier, Hamas et Fatah ont fait un pas en avant sur l’affaire Gilad Shalit, soldat israélien capturé en 2006 à l’âge de 19 ans. Le Monde rapporte qu’Israël a libéré 18 prisonnières, détenues pour raisons de sécurité, en échange d’informations sur le soldat. Le Hamas a publié une vidéo récente montrant Gilad Shalit en bonne santé, et s’est montré flexible sur sa libération, assurant qu’elle aurait lieu d’ici deux mois tout au plus. Cependant Khaled Meshal, l’un des dirigeants du Hamas, cité dans Ha’Aretz, a rappelé vendredi à Damas qu’ « il est toujours possible de capturer un autre Shalit, et puis un autre, et un autre encore ».
Les tensions de dimanche 30 septembre dernier à Jérusalem ont causé une intervention armée des forces israéliennes dans la mosquée Al-Aqsa. Le monde arabe s’est troublé d’une telle atteinte aux lieux saints de l’Islam, y voyant une provocation. Mardi 6 octobre, Israël a de nouveau déployé ses forces pour arrêter Raed Salah2, suscpecté d’appels à la violence après l’atteinte à la mosquée sainte. Al Ahram weekly anticipe une escalade de la violence, ouvrant sur une troisième Intifada. Le Monde rapporte que Saeb Erakat, négociateur de l’AP, a accusé Israël d’« allumer la mèche en faisant monter délibérément la tension dans Jérusalem-Est occupée. C'est d'autant plus dangereux qu'il y a un vide (politique) provoqué par l'absence d'un véritable processus de paix ». Le Ministre du développement régional Sylvan Shalom, membre du Likoud, a quant à lui affirmé que « la bataille est engagée pour la souveraineté (israélienne) sur Jérusalem et particulièrement sur le Mont du Temple », rapporte Le Matin.
En bref, les tensions actuelles et la poursuite des constructions – rapportée par Al Jazeera – à Jérusalem minent la confiance que les Palestiniens auraient pu placer dans Israël dans le cadre du processus de paix.
Nucléaire Iranien
L’AIEA a affirmé, dans un communiqué repris par le New York Times et Le Monde, que l’Iran serait en possession des informations suffisantes pour élaborer une bombe nucléaire. Ces informations auraient été récoltées auprès de scientifiques dissidents. Le directeur de l’agence internationale s’est néanmoins montré sceptique quant à la fiabilité et l'exhaustivité du rapport, d’autant que les différentes sources (principalement les services secrets nationaux occidentaux) ne s’accordent pas sur l’existence d’un programme d’armement nucléaire iranien, censé avoir été interrompu en 2003.
Par ailleurs, le 30 septembre dernier, Ahmadinejad a dit vouloir se procurer de l’uranium enrichi auprès de la Russie et de la France ; les discussions a ce propos devraient se tenir le 19 octobre prochain.
Jeudi 1er octobre, les Six et l’Iran se sont réunis a Genève. Ces discussions ont principalement servi à renforcer la pression autour du régime iranien, qui a accepté d’ouvrir les portes du site d’enrichissement de Qom le 25 octobre prochain. Les Etats-Unis ont fait preuve de diplomatie, tout en montrant que « leur patience n’est pas illimitée », cite Le Matin. Ha’Aretz précise que l’administration Obama débat actuellement de l’adoption de sanctions contre l’Iran avec le Congrès – dont le New York Times discute d’ailleurs l’efficacité, évoquant la virulence du marché noir iranien.
Il faut noter que les dirigeants iraniens ne font pas l’unanimité non plus à l’intérieur des frontières : le New York Times rapporte que trois quotidiens nationaux ont été fermés, dans un effort pour mettre fin aux manifestations anti-Ahmadinejad. Le mouvement kurde sécessionniste PJAK (Parti pour une vie libre au Kurdistan) réaffirme d’ailleurs par l’intermédiaire d’une interview à Al Jazeera son intention de se battre pour ses droits.
Les guerres américaines – Irak et Afghanistan
La situation politique en Irak est stable, comme le montre le slogan pour la campagne présidentielle actuelle, « Unité Nationale » : Al Jazeera rapporte que le premier ministre Nouri al-Maliki prépare d’ici 4 mois, date des élections, une coalition gouvernementale. Contrairement aux élections de 2003, les élections législatives récentes ont marqué un net déclin des partis religieux et extrémistes, souligne le Times.
Al Jazeera décrit la situation américaine actuelle en Irak : malgré les derniers attentats récents près de Falloujah, le nombre d’attentats contre la présence américaine en Irak a radicalement diminué (-85% de violences dans le pays en un an), et un accord entre les Etats-Unis et le gouvernement irakien stipule que la présence armée américaine sera limitée à 50 000 hommes d’ici août 2010. Aujourd’hui, 124 000 soldats américains sont présents en Irak ; le général Odierno affirme être prêt à atteindre cet objectif avant la date limite. C’est pourquoi il compte retirer 4 000 hommes de la zone d’ici fin octobre, pour les placer probablement sous le commandement du général McChrystal, en charge en Afghanistan.
Cette dernière décision n’a cependant pas été confirmée par Clinton, secrétaire d’Etat, et Gates, secrétaire à la défense, qui ont annoncé sur CNN la nouvelle stratégie américaine au Moyen Orient. Ceux-ci ont confirmé que les Talibans avaient l’avantage du nombre sur le terrain, et qu'une défaite offrirait une base solide à Al-Qaida. C’est pourquoi il est nécessaire selon eux que la coalition occidentale envoie davantage de troupes sur place.
Par ailleurs, la stratégie à long terme inclut une alliance renforcée avec le Pakistan. Le chef d’un mouvement islamiste ouzbek, rallié à Al Qaida, Tahir Yuldashev, a été tué par un échange de missiles au Waziristan Sud, Pakistan.
1L’Union pour la Méditerranée, créée le 13 juillet 2008, est l’un des rares forums où siègent à la fois Israël et l’Autorité Palestinienne, ce qui représente à la fois un progrès et un frein considérable.
2Raed Salah est chef du Mouvement islamique, qui parmi d’autres actions défend et représente les musulmans d’Israël, principalement de la zone verte de Jérusalem. Les officiels Israëliens ont appelé à sa dissolution.